Croisé par hasard dans un ascenseur récitant le premier paragraphe de “1984” en anglais…. Samuel, data scientist passionnant et passionné par l’intelligence artificielle (IA), nous donne son regard sur l’évolution de la Data Science.
Quel est ton parcours ?
J’ai toujours rêvé de faire de la recherche. C’est pour cela que j’ai intégré l’ENS (Normale Sup). Cependant il n’était pas possible d’y suivre des cours sur l’IA comme je le souhaitais. J’ai décidé de quitter l’ENS pour me lancer dans un doctorat en IA. Jeune diplômé, je recherchais un secteur d’activité qui serait pragmatique.
J’ai soutenu ma thèse puis j’ai fait plusieurs postdocs avant de travailler sur un projet de start-up, avec un collègue. Notre idée : développer de l’IA pour les drones. Nous avions 10 ans d’avance. Le marché n’était pas prêt. Je suis ensuite allé voir comment l’entreprenariat fonctionnait dans d’autres entreprises. Ce fut très formateur.
Pour parler des expériences techniques marquantes, je me suis plongé dans l’acquisition et la distribution de gros volumes de données et des modèles de machine learning dans un Hedge Fund, puis j’ai co-fondé plusieurs start-ups qui avaient pour point commun de brasser beaucoup de données pour faire du prédictif. Dans l’une d’entre elles, en particulier, en AdTech, j’ai participé à la construction d’un DMP (Data Management Platform) pour faire du RTB (Real-Time Bidding) pour la bancassurance.
Et aujourd’hui ?
Je suis à mon compte ! J’aime accompagner les entreprises dans le développement d’entités technoscientifiques. Mon but n’est pas de créer une dépendance entre mes compétences et mes clients mais de leur donner les clés pour avancer en toute autonomie. Je trouve l’approche freelance très enrichissante.
Mon travail n’est pas que technique. Il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu pour équilibrer une boîte.
Par exemple, la data est un sujet complexe, qui nécessite d’embaucher des collaborateurs très compétents aussi bien techniquement et scientifiquement que sur le plan humain. Je suis donc souvent en charge de repérer les meilleurs profils pour établir la correspondance parfaite avec les besoins du client. En qualité de consultant, mon expertise est globale.
Pourquoi parle-t-on autant de data science aujourd’hui ?
Tout semble fonctionner par effets de mode. On reparle à nouveau d’IA car nous sommes parvenus à développer des gros réseaux de neurones, inexistants dans les années 2000 !
Le succès de l’IA aujourd’hui se tient dans la reconnaissance d’images et la faculté des machines à s’adapter à leur environnement. Les voitures reconnaissent un piéton, une marque, une voix… les capacités de calculs nous permettent d’envisager de nouvelles améliorations.
Comment bien recruter un Data Scientist ?
Il existe de plus de plus de formations en data science ou data engineering depuis 5 ans. Le contenu en maths et statistiques n’est pourtant pas toujours à la hauteur, et les jeunes sont surtout formés à connaître des outils. Attention, savoir utiliser les outils ne suffit pas. Un bon data scientist doit avoir un regard critique sur les retombées chiffrées.
Où en est l’IA aujourd’hui ?
Nous ne sommes pas encore arrivés au sommet du cycle de hype, la fameuse courbe de Gartner décrivant l’évolution de l’intérêt pour une nouvelle technologie. Toutefois je pense que la tendance s’inversera d’ici un ou deux ans. Dans le discours commun, le Machine Learning est devenu l’IA de façon presque imperceptible, mais je pense que l’intelligence artificielle ne se limite pas uniquement à la prédiction. Il y a une dimension comportementale très importante.
Y a-t-il une mauvaise compréhension de la data science ?
L’IA est un outil d’automatisation et d’aide à la décision extrêmement perfectionné permettant de démultiplier nos capacités sur certains sujets en se basant sur les données. Elle ne résout pas tous les problèmes mais permet d’optimiser et comprendre. Le risque serait d’y projeter des espoirs démesurés. Toute business Intelligence n’est pas forcément de la data science. Une grosse partie nécessite surtout de l’analyse de données sans forcément de la data science.
1984 d’Orwell… est-ce qu’on y est aujourd’hui ?
Le livre 1984 est génial mais les lecteurs ne retiennent que ce qu’ils veulent en retenir. L’objectif, dans 1984, est le contrôle. Or, cet objectif du contrôle est aussi celui de l’informatique. Ce livre nous rappelle le risque de notre activité : tout ce que l’on produit peut être exploité à d’autres fins… Il faut être vigilant. Passionné, je continue de faire de l’informatique mais je reste pragmatique et fidèle à mes valeurs.